Connect with us

Hi, what are you looking for?

Environnement

Haïti: 1000 tortues tuées chaque mois à Grand Boucan !

Alors que le Ministère de l’Environnement a appelé à la protection des grands dauphins près des côtes haïtiennes, le massacre des tortues, requins et raies se poursuit dans le silence à travers le pays, notamment à Grand Boucan où plus de 1000 tortues sont tuées mensuellement. 

En 1997, lors de ma première visite à la ferme des tortues de la municipalité Isla Mujeres, dans l’État mexicain du Quintana Roo, sur la péninsule du Yucatán, je me rappelle avoir eu la honte de ma vie lorsqu’un des éleveurs de tortues, s’est exclamé :« Haïti, oui ! Vous, vous tuez les tortues et nous, ici, nous les protégeons », quand il a su d’où je venais. Il savait très bien ce qui se passait chez nous et m’a montrée que dans la ferme de Tortugranja, tout était fait pour protéger les tortues, de l’éclosion des œufs jusqu’à l’âge adulte. Je ne serais pas étonnée d’apprendre un jour que plusieurs d’entre elles, rejetées à la mer, ont été tuées en Haïti. 

Dix ans après, le 19 juillet 2017, une demi-tonne d’écailles de tortues marines menacées d’extinction a été interceptée à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Selon les autorités françaises, c’était la « plus importante saisie » de ce genre jamais effectuée en France. Les colis venaient d’Haïti et devaient être envoyés au Vietnam. La cargaison de 496 kg, estimée à 300.000 euros, provenait pourtant d’une espèce protégée par la convention de Washington car en voie d’extinction.

Les tortues peuplent nos océans depuis plus de 150 millions d’années. Elles ont côtoyé les dinosaures et surmonté toutes les crises climatologiques. Pourtant, aujourd’hui, six des sept espèces vivantes sont considérées comme menacées ou gravement menacées, selon le Fonds mondial pour la nature.

Or, plus de 20 ans après ma visite au Mexique, en 2019, le massacre se poursuit sur nos côtes. « Les pêcheurs locaux et artisanaux constituent la plus grande menace pour les espèces tuées dans l’océan », déclare Jamie Aquino, présidente/fondatrice de Haiti Ocean Project, une organisation de conservation de la mer marine à but non lucratif, basée depuis 2007 à Petite Rivière de Nippes. 

Jamie a été étonnée d’apprendre par Juno7 cette semaine, que le Ministère de l’Environnement (MDE) appelait, la population en général et les riverains des zones côtières en particulier, à protéger les dauphins aperçus dernièrement sur la Côte des Arcadins. En effet, selon Jamie Aquino, « les mammifères marins ne sont pas ciblés par ces pêcheurs locaux. Cependant, d’autres espèces très connues sont en train d’être tuées directement par les pêcheurs », dit-elle. « Les tortues de mer, les requins et les raies sont une source de nourriture et, dans le cas des tortues marines, ce sont des espèces vulnérables et faciles à attraper », précise-t-elle. 

Selon la présidente d’Haiti Ocean Project, «  dans le cas des tortues de mer, elles sont tuées à un rythme si alarmant qu’elles pourraient même s’éteindre dans les eaux haïtiennes de notre vivant », prévient-elle.

Par exemple, rien que dans le village de Grand Boucan, «  les pécheurs tuent environ 1 000 tortues de mer par mois pendant la saison, qui s’étend d’avril à octobre. Le même village tue des centaines de raies tachetées par an. En outre, la région des Nippes et ses zones périphériques constituent un terreau fertile pour le requin océanique à pointe blanche. Avec le nombre de juvéniles tués toute l’année par des pêcheurs locaux, la prochaine génération de ce requin connaîtra de graves problèmes pour se reproduire! », avertit-elle. 

Quant à la campagne de sensibilisation, « je n’ai pas entendu le MDE annoncer officiellement une campagne de cette nature, mais nous savons que l’éducation marine fonctionne, car c’est une grande partie de notre travail », déclare Jamie Aquino. «  Cependant, l’éducation n’est que le début et, idéalement, elle devrait également être introduite dans les salles de classe du pays. De plus, travailler avec les pêcheurs locaux est un autre élément important, car ce sont eux qui sont en mer, qui ont le plus de contacts avec ces espèces marines et qui sont la principale cause de leur déclin. En fin de compte, cela doit s’étendre à l’ensemble du pays, car se concentrer sur certains domaines est vraiment une solution au problème. Les tortues de mer sont tuées sur tout le littoral d’Haïti – du nord au sud! Si une campagne de sensibilisation et d’information est lancée, tout doit être inclus », insiste la présidente d’Haiti Ocean Project.

De son côté, le ministre de l’Environnement. Monsieur Joseph Jouthe, confirme avoir lancé des opérations de sensibilisation auprès des pêcheurs de la Côte des Arcadins pour la protection  des dauphins, « car ils avaient commencé à attaquer ces derniers », nous a-t-il dit. « Aujourd’hui une de mes équipes est sur le terrain avec l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP) pour continuer à discuter avec les pêcheurs et accentuer la campagne auprès d’eux ».

Joseph Jouthe : Ministre de l’Evironnement

Le ministre de l’Environnement reconnait que les pêcheurs sont « les plus grands prédateurs des océans », une situation rendue compliquée, dit-il, par la précarité de la situation socio-économique du pays. « J’étais dans le Nord-Ouest où les pêcheurs sont en train de décimer les tortues. Hier encore, le problème a été posé au Conseil des ministres et nous avons constitué une Task Force dont la première réunion aura lieu ce jeudi », nous a révélé le titulaire du MDE. Cette force opérationnelle sera constituée de spécialistes du MDE, du Ministère de l’Agriculture et du Tourisme. Tant pour le trafic d’écailles de tortues  que pour les coraux qui sont cassés et vendus sur la Côte des Arcadins, « des agents ont été autorisés à sévir contre les contrevenants et pour ce faire nous avons mobilisé pour le département de l’Ouest un Commissaire de gouvernement et deux juges de paix pour accompagner les opérations du MDE sur le terrain », informe M. Jouthe, qui souligne que le travail de Haiti Ocean Project est « impayable ». Il compte organiser sous peu une rencontre avec cette organisation à but non lucratif pour faire avancer la cause de la protection marine. Le ministre s’est dit prêt à dépêcher urgemment une équipe à Grand Boucan « pour voir comment rectifier le tir », a-t-il dit.  

Haiti Ocean Project

L’organisation Haiti Ocean Project, à but non lucratif, a pour mission d’éduquer la jeunesse haïtienne sur l’environnement marin et de protéger les populations locales de baleines et de dauphins ainsi que d’autres espèces marines très connues telles que les tortues de mer, les requins et les raies. Ce travail se fait grâce à la sensibilisation de la communauté, à la recherche marine, aux politiques publiques et à l’écotourisme. Depuis 2007, Haiti Ocean Project entretient des relations étroites avec les pêcheurs locaux et leurs communautés.

Nancy Roc, le 27 aout 2019.

Crédit photos : Haiti Ocean Project

 

Plus de contenu

Environnement

Catastrophes naturelles et les jeunes: Incas Productions fait salle comble à la Bibliothèque Michèle Tardieu.   Ce 30 juin 2023, les jeunes ont répondu...

Environnement

Lancement d’un projet de 4,6 millions de dollars américains pour renforcer la résilience climatique du secteur de l’eau potable dans le Sud d’Haïti. Lors...

Actualités

Présentation par le ministère de l’Environnement des projets « Renforcement de la résilience climatique du secteur de l’eau potable dans le Sud-Est d’Haïti »...

Actualités

Haïti est classée au 173ème rang des pays affichant les mauvaises performances environnementales. Encore un autre classement ou Haïti est à la traine (173...